Wednesday, August 4, 2010

Polnareff : à Los Angeles, l'Amiral est fait Chevalier (de la Légion d'Honneur)



Jeudi 22 juillet, j’ai eu le privilège d’accueillir Michel Polnareff à la Résidence de France à Los Angeles. C’était pour une occasion spéciale, puisque l’ambassadeur de France aux Etats-Unis lui a remis les insignes de chevalier de la Légion d’Honneur.

Le plaisir fut d’autant plus grand que j’ai rencontré Michel à mon arrivée à Los Angeles, et que je le vois régulièrement, toujours en privé. Il est l’une des grandes figures de la musique actuelle, admiré de par le monde depuis plus de quarante ans pour ses mélodies légendaires et ses chansons inoubliables.

“L’enfant terrible de la chanson française” a radicalement transformé la façon dont les Français ont perçu la musique pop, avec des airs qui -tout en devenant des tubes- n’en perdaient pas cette poésie, cette ironie et ce sens de la provocation que seuls des génies comme Rimbaud, John Lennon ou Jim Morrison ont pu égaler. De même, sa capacité à revenir sur le devant de la scène aux pires moments de sa vie témoigne d’une ténacité, d’un courage et d’une fidélité à l’égard de son public qui le distingue, au-delà des époques, comme peut-être seule Edith Piaf en son temps.

Pianiste prodige, il est lauréat à 11 ans du prestigieux prix du Conservatoire de Paris. Mais dès ses débuts, il affirme sa capacité à naviguer selon ses désirs, à contre-courant des conventions. Ainsi lorsque, à la Locomotive, il remporte le concours de la «Disco Revue» en 1965, il refuse le prix et son premier contrat potentiel chez Barclays.
Fort heureusement, il se laisse ensuite convaincre par son ami Lucien Morisse, directeur d’Europe 1 à l’époque, d’enregistrer un morceau sur le label AZ. Ce sera “La poupée qui fait non», et ce sera un tube. Pour cet album, il ria à Londres, dans les studios les plus réputés, dénicher les dernières trouvailles technologiques de l’époque. Il y enregistrera notamment avec Jimmy Page, qui n’est même pas encore un Yardbird, et a fortiori encore moins un Led Zeppelin.

Ses premiers morceaux, avec sa voix unique, ses mélodies sublimes et son son si particulier -mélange de rock anglais et de pop psychédélique américaine – secouent la France des années soixante. « Love me, please love me », « Sous quelle étoile suis-je né ? » « L’oiseau de Nuit », « Le Bal des Lazes », dont le texte est écrit par Pierre Delanoë : les tubes s’enchainent et le font connaitre dans toute l’Europe – comme en Allemagne où il gagne en 1967 le «Prix du chanteur étranger le plus populaire ». Même la presse anglaise, qui aime a répéter « the French don’t know how to rock », reconnait l’ampleur de son talent.

Ce qui lui arrive ensuite est invraisemblable, puisque il est interdit de diffusion avant 22 heures pour « L’amour avec toi », puis condamné en 1972 pour attentat à la pudeur pour avoir montré son séant sur une affiche, puis traqué par les paparazzis, et critiqué par la presse pour sa vie de célibataire…. Merci à lui ! A sa façon, il a réveillé une France endormie et trop pudique, et la faire passer à l’air du rock’n’roll.

Les plus grands, d’ailleurs, ont tout de suite reconnu son génie, de Charles Trenet à Jean Louis Barrault, qui lui commande en 1968 la musique de son spectacle «Rabelais».

Cette année marque aussi ses premiers concerts à l’Olympia, avec notamment «Dans la maison vide», co-écrit avec Jean-Loup Dabadie, (avec lequel il écrira plus tard « On ira tous au paradis »). En 1969, il écrit sa première musique de film pour «L’Indiscret» de François Reichenbach. C’est le début d’une carrière parallèle de compositeur pour le cinéma, qui le verra écrire, en France, notamment pour «ça n’arrive qu’aux autres» de Nadine Trintignant, la célèbre «Folie des Grandeurs» ou encore le dernier film de Coluche, «La vengeance du serpent à plumes» de Gérard Oury.
Sur scène, on le voit rejoindre Johnny Hallyday au piano, qui en retour le rejoindra l’année d’après à l’Olympia.

Loin de se reposer sur ses lauriers, il continue cependant à parcourir le monde et à expérimenter de nouvelles trouvailles musicales. Comme il l’a dit récemment, « je veux toujours prendre des risques – il n'y a que ça qui m'intéresse. Je n'aime pas le professionnalisme, tout ce qui fait qu'on s'en sort de toute façon ».


Il s’est donc toujours mis en danger, oubliant les préoccupations matérielles et conseillant à ses fans : «l’argent, il faut l’oublier »… Et pourtant. Après s’être fait dérober sa fortune par son comptable de l’époque, en 1973, il s’est vu alors contraint d’embarquer sur le paquebot « France » pour trouver refuge aux Etats-Unis, à New York puis à Los Angeles, qui deviendra sa ville d’adoption. Il y apprécie l’ouverture d’esprit des Américains… et la qualité de ses musiciens. Très vite, l’Amérique lui ouvre ses bras.

Après « Tibilli », son album « USA » voit le titre « Jesus for tonight » rentrer au Billboard US. En 1976, il réalise la Bande Originale du film désormais culte : « Lipstick » de Lamont Johnson, avec Margaux et Mariel Hemingway, dont le thème principal deviendra un tube, faisant de lui le précurseur du disco.

Banni de la France, il est alors paradoxalement le plus grand représentant du rock français à l’étranger. Admiré par les meilleurs musiciens au monde, avec lesquels il joue (Jimi Hendrix, Jeff Beck) comme par le grand public, il enchaine les tournées triomphales, notamment au Japon. Interdit de séjour dans son pays, il fait lors de ses quatre tournées en Belgique se déplacer des milliers de fans français.

Michel Polnareff est enfin, pour nous tous Français de l’étranger, le compositeur de cette chanson, qui devrait être rebaptisée l’hymne national des expatriés. “Lettre à France”, écrit en 1977, a su capter à merveille ce sentiment de nostalgie et de distance que nous ressentons parfois.

Qui, parmi nous, n’a jamais chanté avec vous: « Depuis que je suis loin de toi / Je suis comme loin de moi/ Oui j'ai le mal de toi parfois / Même si je ne le dis pas» ? Aussi, «Il était une fois, cher Michel, vous et nous. N’oubliez jamais cela.»

La France, en effet, ne vous a jamais oublié. En témoigne le succès en 1981 de l’album « Bulles », vendu à plus d’un million d’exemplaires avec ses inoubliables « Tam Tam » et « Radio », ainsi que « Goodbye Marilou » en 1989, dont il suivra le succès phénoménal depuis sa chambre d’hôtel du Royal Monceau, quasi incognito, de retour à Paris.

La Californie, pourtant, le rappelle aussi et c’est dans la salle mythique du Roxy qu’il y effectuera son retour en 1995. Il se retire ensuite de nouveau, insaisissable, entretenant un voile de mystère autour de lui, afin de rester libre.

Le temps de rédiger son autobiographie, co-écrite avec Philippe Manœuvre en 2004, et il annonce à ses fans français un concert. Celui-ci aura lieu du 2 au 14 mars 2007, à guichets fermés, à Bercy. Puis, à la demande du Président de la République nouvellement élu, il chante pour la fête Nationale, le 14 juillet, au Champ de Mars.

Comme en témoigne le public très jeune présent ce jour historique, il est une source d’inspiration considérable pour les générations futures. Et, au fond, « il est un homme, il est un homme. Quoi de plus naturel en somme ?».

9 comments:

  1. Mersea David et Karen pour votre chaleureuse hospitalité à l'occasion de cette remise de la légion d' honneur par Pierre Vimont.
    J'ai été impressionné par la précision du discours précédant la remise de la médaille et je sais que vous n'y êtes pas étranger.
    J'ai été très touché par la sensibilité qui a entouré cet événement que nous avons voulu grand par son intimité.
    Le nouveau promu chevalier vous remercie de toute cette délicatesse et ne peut s'empêcher de chanter d' un de mes poètes préférés:
    " monsieur monsieur , vous oubliez votre cheval .."
    Mersea encore pour ce beau souvenir.
    Respectueusement.
    Michel Polnareff

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  2. FÉLICITATIONS À NOTRE AMIRAL !

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  3. BRAVO à l'Amiral de la part de moumous du polnaweb

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  4. SALUT LES COPAINS! wouahhh quel plaisir de revoir et entendre cette belle nostalgie des années 60, 70 et 80 merci bisous <3

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  5. Magnifique article. Voilà un bel et grand hommage rendu. quoi de plus naturel quand on sait que c'est un grand homme musicalement parlant... Et la "polnaventure" n'est pas terminée, loin de là.

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  6. Merci Monsieur pour votre beau commentaire. Vous avez beaucoup de goût musical. Je vous félicite et vous remercie pour votre très élogieux et sympathique message pour cet immense artiste qu'est et restera à jamais Michel Polnareff.

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  7. Vive notre Chevalier !

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  8. Merci à vous Monsieur l'Ambassadeur. En effet, cet émouvant discours nous invitant à parcourir l'itinéraire artistique de Monsieur Polnareff, cela en dit long sur l'exceptionnel et talentueux chanteur qu'il est. Cette reconnaissance, bien tardive, lui est bien méritée, depuis le temps.. Il semblerait qu'il ait eu aussi celle de Chevalier des Arts et des Lettres en 2007 pendant son "Zetour"?? ... Alors, doublement bravo et doublement chapeau à vous Monsieur Michel Polnareff. Croyez en mes plus profonds respects et à bientôt dans l'attente de vous entendre..

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  9. Bravo Michel, très heureuse pour toi.
    Une reconnaissance bien méritée.
    Tu es l'unique génie français.
    Mille gros bisous et un grand mersea à toi.

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