Monday, June 1, 2009

Pourquoi et comment faire revenir les productions américaines en France ?


Un tournage en France, c’est autant de travail pour les techniciens français, cadreurs, chefs opérateurs, régisseurs, chefs de plateau, etc… C’est autant d’activité pour les hôteliers et les restaurateurs français. Ce sont autant d’occasions pour les acteurs français de se faire connaître du public mondial. Ce sont autant d’espaces publicitaires à forte exposition pour les régions françaises, autant de paysages français qui feront le tour du monde et attireront les touristes de partout. Ce sont autant de recettes nouvelles générées pour l’Etat français.

Conscients de cet enjeu, les parlementaires ont voté dans le projet de loi de finances, fin décembre 2008, un crédit d’impôt international pour les tournages étrangers en France. C’est cette disposition que nous avons pris l’initiative d’aller présenter aux producteurs d’Hollywood, avec Laurent Morlet, le chef du bureau du film au consulat général, et Franck Priot, directeur-adjoint de la Commission du Film France, organisme chargé de faire la promotion de la France comme lieu de tournage. Nous avons rencontré ensemble toutes les « majors », les 6 héritières de l’histoire d’Hollywood, qui se partagent l’essentiel du marché de la production cinématographique américaine. Chacune réalise entre 1 et 1.7 milliard de dollars de revenus en 2008. Chacune est un mythe pour tous ceux qui aiment le cinéma. La Paramount, créée en 1913 par Adolph Zukor, le premier des « mogols » d’Hollywood, et Universal, créée par Carl Loewe, les deux plus anciennes, mais aussi la Metro-Goldwyn-Mayer, créée par William Goldwyn et le génial Louis Mayer, Sony Pictures, héritière des Studios Columbia, la 20th Century Fox, Warner Bros, la plus prospère cette année et, last but not least, Walt Disney Pictures. Nous sommes bien sûr allés rencontrer des sociétés de production indépendantes, comme Lionsgate, qui produit en ce moment même Five killers, tourné grâce au crédit d’impôt dans le sud de la France ou Groundswell, qui vient de produire Milk (oscars du meilleur acteur pour Sean Penn et du meilleur scenario).

J’en retiens quelques impressions fortes : d’abord, il y a toujours eu un appétit de la part des producteurs hollywoodiens pour tourner en France. Ils y trouvent une incroyable diversité dans les paysages et dans les décors, et ce dans de courtes distances, ce qui est crucial pour les tournages : pour trouver des ponts-levis ou des villes fortifiées, il vaut mieux aller en France qu’ailleurs. Pour autant, la France n’était plus compétitive par rapport à d’autres pays, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Roumanie ou la République tchèque, qui ont mis en place très tôt des dispositifs d’incitation fiscale pour les productions étrangères. Il faut savoir que les producteurs cherchent par tous les moyens à réduire tous les coûts de tournage. Bien des films censés représenter des paysages français étaient en réalité tournés en Roumanie par souci d’économie. Le même phénomène est apparu aux Etats-Unis : des Etats comme la Louisiane ou le Michigan ont également mis en place des incitations fiscales pour les tournages de film. Clint Eastwood a par exemple tourné Gran Torino, production de la Warner Bros, à Detroit, dans des hangars désormais inoccupés de General Motors.

Ce crédit d’impôt nous remet donc dans les conditions d’une concurrence équitable avec nos voisins. Du coup, les qualités propres de la France peuvent prendre le dessus sur nos concurrents : les équipes techniques françaises sont particulièrement réputées, les producteurs trouvent désormais des studios de haut niveau pour tourner les scènes qui le nécessitent, et pas seulement à Paris (cf les studios de la Belle de mai à Marseille ou de la Victorine à Nice) et la qualité de vie et la sécurité générale font l’unanimité. Et enfin, ce que bien des responsables des studios nous ont dit, c’est que s’il faut convaincre une star d’Hollywood de partir tourner à l’étranger, il est beaucoup plus facile de leur « vendre » Paris ou le Sud que d’autres destinations…

Mais ce qui aide le plus l’industrie du cinéma français en ce moment à Hollywood, c’est le remarquable succès, un an après sa sortie en France, de Taken, le thriller de Pierre Morel, co-écrit par Luc Besson, avec Liam Neeson. Ce film a impressionné les studios tant l’histoire est forte et tant il est bien fait. Nombreux sont ceux qui nous ont dit qu’il y avait là peut-être un nouveau marché possible : après les co-productions américaines conçues d’abord pour des marchés européens, comme la Warner en fait souvent (Coco avant Chanel, par exemple), est peut-être venu le temps des films français, tournés en anglais, ayant vocation à être exporté.

Car oui, bien sûr, n'en déplaise à ceux qui pensent que l'accès à la création artistique devrait être gratuit, le cinéma est aussi une industrie, aux Etats Unis comme en France ou en Inde. Ne serait-ce que parce que de nombreux travailleurs en vivent : les techniciens intermittents du spectacle, qui font leur métier avec passion et talent, et qui ne comptent pas leurs heures et leur énergie lorsqu'il s'agit de terminer un tournage dans les délais imposés par les contraintes budgétaires. Les artistes, qui peuvent continuer à créer parce qu'ils peuvent vivre de leur art. Les producteurs, qui prennent des risques financiers parfois très lourds pour donner leur chance à des artistes et à des projets. Les exploitants de salles, qui fournissent les conditions d'un vrai spectacle et d'une vraie expérience artistique.

Prochain objectif donc : que Woody Allen, qui adore Paris, tourne son prochain film non plus à Londres ou à Barcelone, mais en France.

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Why and how to bring American productions back to France?

A shoot in France means work for French technicians, camera assistants, sound operators, line producers and so on. It means work for hotel managers and French restaurant owners. It is the opportunity for French actors to be exposed to an international audience. It means much publicized advertisements showcasing French regions, French landscapes that will go around the world and attract tourists from all over. It means a new income for the French government.

Aware of what is at stake, members of the French Parliament enacted last December 2008 a law creating a new credit for foreign productions shot in France. Laurent Morlet, the Executive Director of the Film Department at the French Consulate, Franck Priot, Deputy Director of the Film France Commission in charge of promoting France as a film location and I presented this tax rebate incentive to several Hollywood producers. Together we met with all the majors, the 6 heirs to Hollywood’s history, which share the most part of America’s film production. Each of them grossed between 1 and 1.7 billion dollars in revenue in 2008. Each one of them is a symbol for all film lovers. The two oldest ones, Paramount, created in 1913 by Adolph Zukor, Hollywood’s first “mogul”, and Universal Studios, created by Carl Loewe, but also Metro-Goldwyn-Mayer, created by William Goldwyn and the genius Louis Meyer, Sony Pictures, heir to Columbia Studios, 20th Century Fox, Warner Bros., the most prosperous studio this year and last but not least, Walt Disney Pictures. We also met with several independent production companies such as Lionsgate, which is currently producing "Five Killers" shot thanks to a tax rebate, in the South of France, or Groundswell which just produced "Milk" (Academy Award winner for Best Actor for Sean Penn and Best Screenplay).

What I gathered from this is the following: first of all there is a great interest for Hollywood producers to shoot in France. They find an incredible diversity in its landscapes and locations, while the distances are relatively short which can prove to be crucial on a shoot: to find drawbridges or fortified cities, it is better to go to France than anywhere else. Nonetheless, France wasn’t competitive anymore compared to other countries such as Germany, Great Britain, Romania or the Czech Republic, which were very quick to establish tax rebate programs to attract foreign productions. We know that what producers are mostly looking for is to keep their costs down. Several movies which were supposed to portray French landscapes were actually shot in Romania for budget reasons. The same phenomenon happened in the United States: states such as Louisiana or Michigan also instilled tax rebates. For instance, Clint Eastwood shot "Gran Torino", produced by Warner Bros. in empty warehouses belonging to General Motors in Detroit.

This tax rebate program allows us to be competitive again against our neighbors. This way, France’s own assets can take advantage on our competitors: French crews are especially renowned, producers are able to find high level studios to shoot scenes that require them, and not exclusively in Paris (such as the studios de la Belle de mai in Marseilles or studios de la Victorine in Nice), plus the quality of life and overall security are well established. Finally, several studio executives have told us that it is much easier to convince a Hollywood celebrity to go shoot in Paris or in the South of France than anywhere else…

What has helped the French film industry in Hollywood recently is the remarkable success, a year after its opening in France, of Pierre Morel’s thriller "Taken"" co-written by Luc Besson and starring Liam Neeson. This movie impressed the studios for its quality and strong story line. Several have told us that this could be the beginning of a new market: after American co-productions aimed at the European markets, as often done by Warner ("Coco avant Chanel", for instance) maybe the time has come for French films to be shot in English in order to be exported.

Because, of course, even if some don’t agree and think that artistic creation should be free, cinema is an industry in the United States, France or India. Because several workers make a living out of it: freelance technicians, who do their job with great passion and talent, and who don’t count their time and energy to wrap up a shoot to respect the deadlines imposed by the production budget. Artists who can keep on creating because they can live out of their work. Producers who sometimes take huge financial risks to give a chance to their artists and their projects. Movie theatre owners who provide the facilities for a real show and a real artistic experience.

Our next goal: to have Woody Allen, who loves Paris, shoot his next film not in London or Barcelona, but in France.


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